Thème : 1939-1945

Ce que mes enfants ne savent pas

« La censure de notre courrier enjolivait nos missives de dentelles. Une paire de ciseaux manipulée par un « lecteur-inquisiteur » extrayait des mots et des phrases de notre prose. Toute indication concernant l’industrie ou l’armée allemande, toute information sur les résultats ou dégâts causés par les bombardements étaient remplacés par un trou dans le papier. »

Une jeunesse volée par la guerre et la déportation. C’est ce que les enfants de l’auteur découvrent en parcourant le manuscrit laissé par leur père. Jules Eeckhout a consigné dans ses carnets son désarroi durant la seconde guerre mondiale, d’abord vécue à Liège puis à Berlin et en Pologne, au moment de sa déportation en camp de travail. Il n’en reviendra qu’en 1945, dans le sillon de l’Armée Rouge, pour s’engager comme volontaire dans la R.A.F.
Victime de son époque, du système, des attentes de ses parents même, le jeune homme crie sa peine et sa colère face à ces années envolées, en un récit tout en retenue.

Itinéraire d’un enfant caché…

« Je me souviens de la phrase de mon frère Raphaël qui, pour nous protéger, m’a dit de ne jamais révéler que nous étions juifs car nous serions tous immédiatement tués. Mais pourquoi ? Qu’avait-on fait de mal ? Il a dû être très convaincant car depuis ce jour et pendant ces deux années de clandestinité, je n’ai jamais parlé, ce qui nous a certainement sauvé la vie. »

Paris, 1943, les persécutions contre les juifs et les rafles s’intensifient. Les parents de l’auteur décident d’envoyer trois de leurs enfants en « vacances », loin de la capitale, pour les protéger. La séparation sera définitive, Raymonde, 3 ans, sa mère et son père sont arrêtés et déportés. Ils ne reviendront pas.
L’auteur a échappé à la mort mais pas au fardeau du souvenir. À ses petits-enfants, qui le pressaient de questions sur cette période, il peut enfin dévoiler ces deux années de clandestinité, à Baule, dans le Loiret, loin des siens. Il dit aussi, avec une pudeur infinie, la douleur toujours brûlante de l’arrachement à ses parents et à sa petite sœur.

Le Feu sur la Neige

« En 1966, quand il écrit son histoire, j’étais adolescent et je n’y avais pas attaché d’importance, même s’il m’en avait alors raconté quelques anecdotes comme la rencontre avec un élan, le vol de la vache ou l’impressionnant hurlement des loups la nuit.
J’ai découvert le manuscrit en mai 2003, bien rangé au fond d’une malle du grenier. Son histoire m’a évidemment passionné. Bien qu’elle ait maintenant 75 ans, il m’a paru important de la sortir de l’ombre pour la faire connaître non seulement à ses dix petits enfants mais aussi, plus largement, aux nouvelles générations. »

Fait prisonnier à Toul en 1940, Charles Belbéoc’h est envoyé dans un camp en Prusse-Orientale, l’est de la Pologne actuelle. Il ne songe qu’à s’évader. Il sera repris à chaque fois. Il finira par atteindre les lignes russes en mars 1945 et aura, dans l’intervalle, vécu mille vies et cherché à aider toutes les personnes se trouvant sur sa route et ce, quelles que soient leurs origines. Un récit d’aventure humaine faite de faim et de solidarité, de mitraille et d’espoir, de mort et de fraternité et, dans cet hiver glacial, un rare et poignant témoignage du dramatique exode de la population prussienne terrorisée par l’armée soviétique.