La neuro-atypie, la résilience de la communauté LGBTQ2+ et la fragilité des droits difficilement acquis, autant de questions que Laurent Lepinois aborde dans son roman avec justesse, et en toute connaissance de cause. Reflet de son époque, son héros apprend à surmonter son enfance violentée pour accéder à l’âge adulte. Il n’est jamais trop tard.

DE L'AUTEUR
PRIX PAPIER
22,90 En Stock

PRIX NUMÉRIQUE
12,99 En Stock

Rencontre avec... Laurent Lépinois

 

  1. Pouvez-vous nous présenter votre livre ?

 

Antoine, le personnage principal, fait face à la dépression et à l’épuisement professionnel (« burn-out »). Sa thérapeute lui explique que quelque chose le retient dans le passé. Que son fonctionnement en tant qu’adulte s’est automatisé pour le protéger d’autre chose trop longtemps refoulé : des traumas occultés plutôt qu’assimilés. Et que guérir de tout cela lui permettrait de mieux vivre dans l’instant présent.

La veille de ses 40 ans, alors qu’il range des boîtes de déménagement au sous-sol de son appartement Montréalais, il retombe sur des photos de famille et y voit une opportunité de repasser dans ses souvenirs pour espérer enfin se libérer.

 

C’est un livre sur la guérison. Sur le rejet des traumas transgénérationnels aussi. Et très dans l’actualité, malgré lui. Ce n’était pas mon intention en l’écrivant. Parce que j’y parle de l’impact d’un milieu familial homophobe, hostile et violent sur un jeune enfant, de sa quête identitaire en pleine souffrance, de la vie d’un enfant des années 90 avant l’internet, de l’histoire communautaire LGBTQ+ française et internationale, du droit des femmes, des relations toxiques à l’âge adulte, de la perte de confiance en soi et en l’autre, de la descente aux enfers destructive. De la mort aussi. Tout ça comme une chute de dominos, inévitable, avec comme fil conducteur Antoine, un personnage touchant, poignant, sensible, abîmé par la vie et sa « famille », complexe aussi dans sa construction psychologique.

 

  1. Quel message voulez-vous transmettre au lecteur ?

 

Qu’il n’y a pas d’âge pour se découvrir, pour faire face à ses traumas, pour accueillir et laisser passer des émotions refoulées. Pour reconnaître d’avoir été victime et de cesser de trouver des justificatifs à ses agresseurs, juste parce qu’ils sont de la famille.

 

Qu’il n’y a pas d’âge pour guérir. Pour s’aimer enfin. Pour prendre soin de son enfant intérieur et de devenir son propre parent, prévenant, attentionné, compatissant. De combler ces manques qui nous ont écorché petit à petit.

Et finalement, que ce qu’on a été ne définit pas qui nous nous efforçons d’être dans le moment présent. Que la guérison et l’introspection sont un travail demandant, mais récompensant.

 

  1. Quelles sont vos sources d’inspirations ?

 

Elles sont nombreuses. La musique au premier plan (et cela se ressent dans le livre), les livres, les séries et le cinéma, mais avant tout la vie. Parce que j’aime prendre le temps d’apprécier de simples choses que la vie m’offre au quotidien, qui me génèrent des émotions que je tente de sublimer ensuite dans mon écriture.

 

  1. Quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire ?

 

Je dois avouer que je ne suis pas un grand lecteur au quotidien. Je suis un lecteur de vacances, principalement.

Alors je mentionnerai plutôt les livres qui m’ont marqué récemment.

« Ru » de Kim THUY, car elle a cette force d’écrire une poésie douce qui parle de choses difficiles.

« Un certain Paul Darrigrand » de Philippe Besson. Parce que Philippe Besson est toujours juste dans son écriture. Et qu’il me suscite de belles émotions et une réflexion sur de nombreux sujets.

« Maple » de David Goudrault qui dépeint la vie du quartier où je vis à Montréal, avec un humour « su’la coche ».

« Ce que je sais de toi » d’Éric Chacour, parce que l’immersion dans Le Caire des années 80 est juste splendide. J’ai voyagé dans cette lecture.

 

  1. Si vous deviez vous décrire en trois mots, quels seraient-ils ?

 

Curieux, généreux et sensible

 

  1. Quelle est votre citation favorite ?

 

« Ce que tu ne remontes pas à ta conscience te reviendra sous forme de destin. »

Carl Gustav Jung.

 

Cette citation souligne l’importance de l’introspection pour comprendre et accepter son passé afin de mieux avancer. Elle met en avant l’importance de l’exploration de notre inconscient et des conséquences de son ignorance. Elle a été une source d’inspiration pour mon roman.

 

  1. Quel est votre rituel d’écriture ?

 

Étrangement, comme une journée de travail. Je n’ai pas de rituel spécifique. Si ce n’est un café, de la musique sur les oreilles, et je peux partir 8,10 voire 12 heures en continu, selon l’inspiration. Être à la campagne m’inspire beaucoup aussi. Le calme, les paysages…

Il y a dans cet exercice quelque chose d’enrichissant qui me permet d’exploiter pleinement mon TDAH. Et en tant que personne neuro-atypique, c’est gratifiant d’être capable d’utiliser cela comme une force quand la société tend à nous marginaliser.

 

  1. Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?

 

J’ai deux romans en cours d’écriture. Et une dizaine d’autres idées.

 

Un exercice en cours sur un homme en fin de vie, qui se remémore sa vie au travers de sa discussion avec son voisin de banquette sur un vol Montréal-Paris. Parce que le lien entre l’Europe et le Canada est important pour moi. C’est mon identité. J’y parle du danger d’être gay à la campagne dans les années 80, du Montréal gay des années 90-00, de l’épidémie du VIH, des descentes de police dans les bars gays. Un autre travail de mémoire et de commémoration important pour moi. Plus en lien avec ma culture canadienne. Et parce qu’il est important pour moi de connaître mon histoire communautaire pour apprécier pleinement les droits dont je jouis aujourd’hui, qui n’ont pas été acquis dans le confort de privilèges, mais grâce à des combats passés, la solidarité et la ténacité de nos aîné.es.

 

Un autre travail en cours qui traite d’un sujet amorcé dans « Tu es exactement là où tu avais besoin », parce qu’il s’est imposé à moi naturellement. Depuis la sortie du roman, on me demande déjà si Antoine aura le droit à une suite. Ce sujet sera raconté différemment de TEELOTABE. Plus dans l’instant présent, donc plus de dialogues entre les protagonistes. Cela me permet de sortir de ma zone de confort et d’introduire de nouveaux personnages.

 

  1. Comment s’est fait le choix de votre maison d’édition ?

Rapidement. Parce qu’elle m’a répondu vite, que mes échanges avec mon éditrice était humains et sincères. Je lui ai demandé ce qui avait plu dans le manuscrit et sa réponse immédiate m’a conquis : « le livre a une âme et une belle musicalité ». Alors je me suis vite senti bien, accompagné, écouté, conseillé. Et c’est ce que je recherchais, ne me sentant pas légitime en tant qu’auteur. Depuis, nous avons développé une belle relation avec toutes les équipes fabrication, promotion qui font une job fabuleuse et qui comprennent mon projet artistique et embarquent dans mes idées.

 

  1. Le mot de la fin ?

 

J’espère que le public aimera Antoine autant que j’ai appris à l’aimer alors que je lui donnais vie durant mon processus d’écriture. Cela reste un roman dont le but premier est de susciter la réflexion et d’appréhender plus simplement la différence de l’autre. Les LGBTQ2+ sont malgré eux/elles/iels au cœur des débats politiques mondiaux pour des raisons infondées et qui me dépassent. Nous sommes juste en dehors d’une « norme » construite de toutes pièces et qui doit, selon moi, être reconsidérée pour nous laisser l’opportunité d’exister. Parce que cell.eux qui nous rejettent réagissent par peur de l’inconnu ou à cause de convictions qui n’ont généré que des conflits dans l’histoire. Nous désirons simplement pouvoir vivre en toute quiétude sans avoir à subir les opinions des autres. Avoir le droit d’aimer sans craindre pour notre sécurité. Avoir le droit d’être heureux.ses. Tout simplement.