Rencontre avec... Jeff Sestier
- Pouvez-vous nous présenter votre livre ?
Le livre conte l’histoire d’une famille française vivant en Tunisie dans l’entre-deux guerres. Leur vie évolue au gré des événements dans une ambiance cosmopolite colorée. Ce roman décrit aussi la fin d’un régime particulier, celui d’une colonie française en route vers la décolonisation. Il se veut aussi précis que possible sur le contexte, les événements, le cadre dans lequel ils se déroulent. Quant aux personnages, fiction et réalité sont mêlées pour rendre compte des particularismes de la Tunisie.
- Quel message voulez-vous transmettre au lecteur ?
Je ne pense pas que ce livre ait vocation à transmettre un quelconque message. Me méfiant par nature des messies, je ne me sens pas l’âme d’un imprécateur, donneur de leçons. Même pas celle d’un quelconque messager.
Il n’est qu’un roman qui entend à travers la vie des personnages mis en scène, rapporter une part d’histoire moins connue. Un travail de mémoire aussi, dont on peut constater le déclin, d’une génération à l’autre, la perte en ligne me semblant de plus en plus fréquente. Cette mémoire à défendre devrait dépasser le stade du « devoir » pour redevenir un « plaisir », aussi douloureuse, tragique ou insupportable soit-elle.
- Quelles sont vos sources d’inspirations ?
Probablement trop nombreuses pour être citées de manière exhaustive. On reconnaîtra aisément mon goût pour l’Histoire, des évènements comme des pensées. Mais aussi une grande émotion devant une œuvre d’art le neuvième inclus. Mon âge avancé explique probablement un moindre intérêt pour le dixième récemment reconnu, les jeux vidéo. Mais je ne désespère pas de comprendre un jour l’intérêt artistique qu’il présente. Je suis déjà convaincu de leurs immenses progrès plastiques.
Pour faire bref, ma source d’inspiration est le théâtre de l’humanité, en ce qu’il présente le spectre le plus large, compris entre la plus sombre des tragédies grecques et la plus improbable des pantalonnades de la commedia dell’arte.
- Quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire ?
Il n’y a pas de livre en particulier mais plutôt des styles littéraires et des auteurs. En règle générale plutôt le style épique, aventurier, mais aussi les grandes sagas sociales. Pour illustration et de manière non exhaustive, les mousquetaires de Dumas, Jules Verne avec le capitaine Némo ou Michel Strogoff, mais aussi Balzac et le Père Goriot lu à l’adolescence, ou Flaubert et Salammbô ne serait-ce que pour la Tunisie … Je n’oublierai pas les voleurs au premier rang desquels Arsène Lupin et les policiers et enquêteurs avec mention spéciale pour Sherlock Holmes.
- Si vous deviez vous décrire en trois mots, quels seraient-ils ?
Curiosité, humour et faconde
- Quelle est votre citation favorite ?
« Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît », (Monsieur Fernand, alias Lino Ventura dans Les Tontons flingueurs, Réal. Georges Lautner, dialogues Michel Audiard, 1963).
- Quel est votre rituel d’écriture ?
Lorsque j’écris, c’est dans un rythme constant de travail. Cela me vient probablement d’une habitude prise il y a fort longtemps lors de la rédaction de ma thèse (une blague de 900 pages …). M’interrompre trop longtemps me fait perdre en efficacité qualitative (pour autant que l’on trouvera une qualité à ce qui est produit …). J’ai donc des longs moments de travail sans écrire, consacrés aux recherches et aux vérifications en tout genre, historique, scientifique, artistique, puis de rédaction une fois mon matériau obtenu. Mais la production initiale est rapide. Puis vient le temps de la relecture de l’ouvrage terminé. Ainsi la version proposée à l’éditeur était le fruit d’une rédaction unique (un peu moins de quatre mois), suivie de sept relectures intégrales pour affinage, syntaxe, précision des termes, orthographe, ponctuation.
- Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
Mes premiers lecteurs, qui ont lu les épreuves avant même qu’un éditeur me fasse l’honneur de m’accueillir, m’ont tous demandé : « la suite c’est pour quand » ?
J’ai donc entrepris de rédiger la suite de ce premier livre, ce premier opus comme on dit aujourd’hui avec un peu de cuistrerie. Les mêmes premiers lecteurs ont encore apprécié. Je reste conscient de leur part de subjectivité lié au lien familial ou amical qui nous unit (encore que … certains d’entre eux ne m’ont jamais fait de cadeau, parce qu’ils connaissent mon aversion, pour l’hypocrisie). Mais une chose à la fois.
J’entreprendrai très bientôt la rédaction du troisième opus (à cuistre, cuistre et demi …).
- Comment s’est fait le choix de votre maison d’édition ?
En tant que primo romancier il est rare d’avoir un large choix. Jai contacté bon nombre de maisons d’édition qui ont refusé mon travail, certaines dans un silence valant refus.
Les Éditions du Panthéon m’ont accepté dans un délai que j’ai trouvé rapide. Le premier contact était encourageant en ce qu’il me garantissait la main sur mon manuscrit, ce que candidement je trouvais être la moindre des choses. Mais il m’accordait cette même liberté sur la publication et la promotion du livre. Sauf que tout cela m’était parfaitement inconnu … Et le plus grand apport de la maison a été non seulement l’écoute de l’auteur, mais encore les conseils prodigués, assortis de la garantie de mon arbitrage personnel au final.
D’autres maisons m’ont accepté postérieurement. Je ne sais ce qu’aurait donné notre relation de travail
Je suis ravi de mon choix, fruit finalement d’une heureuse rencontre.
- Le mot de la fin ?
Avec le recul lié à mon âge, je me rends compte que j’ai passé ma vie à écrire. Une littérature juridique fort docte, contrainte par les canons du droit. Le roman, c’est la liberté retrouvée. En tout état de cause, écrire est pour moi bien plus qu’un attrait, une nécessité.