« Le pire des dîners était celui de Noël. Une tension indescriptible venait renforcer l’obligation de se tenir un long moment à table pour y partager le nécessaire et traditionnel festin.
Chaque Noël était un drame, une nuit digne de l’Inquisition. Non, Jésus ne naissait pas. Il n’était pas non plus descendu sur terre pour nous sauver. Au contraire, chez nous, il nous crucifiait. »
La légende dit que lorsque l’on meurt on voit défiler sa vie. Gabrielle, elle, la rejoue entièrement de son adolescence bourgeoise des années 80 à l’Alzheimer de sa mère. Dans ce passé imaginaire, elle n’est plus tout à fait la même et ses parents sont des gens heureux. D’une scène à l’autre, blonde puis brune, mince ou non, enfant ou mère, elle déambule dans un univers au technicolor presque parfait.
Mais Gabrielle trébuche sur le réel, toujours là, tapi pour mieux blesser.
Agnès Léopold décortique avec une féroce délicatesse les non-dits, les trahisons et la grimace des apparences. D’une plume aussi précise que puissante, elle confronte son héroïne à un savant exercice de mémoire. Des souvenirs, faisons-nous vraiment table rase ?
Dans ce récit troublant, Gabrielle revisite sa vie comme un film aux couleurs vives, mais où la perfection n'est qu'une illusion fragile. Un portrait poignant de la mémoire, de l'identité et des illusions qui s'effondrent face à la dureté de la vie.