Le hasard a voulu qu’Abdellaziz Ben-Jebria commence sa scolarité l’année de l’indépendance de sa Tunisie natale. Ses admirables enseignants lui avaient inculqué la passion de la littérature française et de la poésie arabe. Il rêvait déjà d’écrire. Le destin l’a ensuite mené à une carrière de recherche biomédicale internationale, avant de lui laisser quelque loisir pour se consacrer à sa passion de l’écriture.

DE L'AUTEUR
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Rencontre avec... Abdellaziz Ben-Jebria

Pouvez-vous nous présenter votre livre ?

Après mon premier livre autobiographique, «Les Périples de l’Enfant de Ksiba», dont la chronologie s’arrête au moment de ma retraite, ce second, «Tunisie d’Amours, que reste-t-il de tes beaux jours», fait suite au premier, mais situe l’aspect biographique dans un contexte politique et socio-économique. Le narrateur retrace en effet la déception de son retour définitif dans son village natal, après une longue et lointaine expatriation professionnelle. Il pensait pourtant prétendre à son ultime récompense, celle de retrouver son Bled et ses chers oliviers, et surtout l’être qui lui a façonné le galbe de sa vie. Mais, il fut aussitôt saisi par des vagues impressions qui éveillèrent son inquiétude socio-politique de la post-révolution du printemps tunisien.

C’est à partir de cette période-là que l’actuel récit prend une tournure narrative pessimiste, évoquant les évènements d’une succession désastreuse de pouvoirs politiques qui ne cessaient de faire marcher la douce Tunisie à reculons.

Et c’est pour sécher ses larmes, apaiser sa détresse, et adoucir sa douleur, que le narrateur fait des escapades spatio-temporelles en se remémorant les bons souvenirs de la Tunisie d’antan.

Ainsi, au fil des pages, le lecteur aura l’impression que le narrateur lui confère une éloquence très proche de l’oralité poétique assonancée, et lui raconte sa propre histoire, qu’il puise sa quintessence dans son bagage affectif culturel éclectique, en l’invitant dans son univers sensoriel lointain : les saveurs orientales, les randonnées paisibles, la douceur des paysages, la clameur d’une ville, le murmure d’une campagne, ou encore l’odeur des plats traditionnels.

 

Quel message voulez-vous transmettre au lecteur ?

Tous ceux qui connaissent bien la Tunisie d’antan, depuis l’indépendance jusqu’à la fin des années 1980, savent combien ce pays était un modèle en termes d’éducation, de santé publique, et de libéralisation de la femme (éducation, contraception et avortement en avance sur la loi Veil en France). Ils savent aussi que la Tunisie avait été traversée préalablement, et depuis longtemps, par plusieurs civilisations multiculturelles, jusqu’à son indépendance qui était accompagnée par une équipe de concitoyens intègres, éduqués, cultivés, et guidés par un leader visionnaire qui avait tracé le bon chemin de l’ouverture sur le monde moderne tout en veillant à préserver ses bonnes traditions culturelles.

Au vu des faits que le narrateur énumère objectivement dans ce livre, le message que j’aimerais transmettre aux lecteurs, peut-être formulé sous forme d’une simple question : Comment peut-on expliquer ce retour en arrière, célébré en fanfaronnade, par de récents politiciens qui avaient pourtant eux-mêmes profité, paradoxalement, des avancées modernistes de la Tunisie postindépendance, et que la majorité de l’actuelle jeunesse, pourtant bien éduquée, observe passivement et accepte inadéquatement ?

 

Quelles sont vos sources d’inspirations ?

Elles émanent de deux expériences :

  • D’abord, le fondement de ce récit est basé sur mon vécu des évènements qui ont suivi la post-révolte dans le pays.
  • Puis, l’inspiration de mon style d’écriture littéraire est empruntée à l’assonance poétique arabe, et plus précisément à celle de Badî Azaman Al-Hamadhani, le prodige du siècle 967-1007, un Arabo-Perse, célèbre pour ses maqâmates (Sajjâa, prose rimée).

 

Quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire ?

Plusieurs et parmi eux :

– « L’Assommoir » (Émile Zola)

– « Cent ans de Solitude » (Gabriel Garcia Marquez)

– « L’Enfant de Sable » (Tahar Ben Jelloun)

– « Les Belles de Tunis » (Nina Moati)

– « Al-Yater (Hana Mina, Syrien) » dont je me suis inspiré pour nommer mon dernier fils (Yater).

 

Si vous deviez vous décrire en trois mots, quels seraient-ils ?

Humblement modeste

Émotionnellement généreux

Assidûment travailleur.

 

Quelle est votre citation favorite ?

J’en propose trois qui reflètent mes trois citoyennetés linguistiques et culturelles :

 

  • Victor Hugo

La liberté commence où l’ignorance finit

 

  • Gibran Khalil Gibran (artiste, peintre, philosophe, et poète libano-américain, célèbre pour son recueil de textes poétiques, The Prophet)

Hier n’est que le souvenir d’aujourd’hui, et demain est le rêve d’aujourd’hui

(Yesterday is but today’s memory, and tomorrow is today’dream)

 

  • Al-Moutanabi (le plus grand poète arabe de tous les temps) :

Il faut faire avec les vicissitudes de la vie sur terre, comme les voiliers avec les vagues agitées en mer.

(ﺍﻟﺴﻔﻦ ﺘﺸﺗﻬﻴﻪ ﻟﺍ ﺒﻤﺎ ﺍﻟﺮﻴﺎﺡ ﺘﺠﺮﻲ     ﻴﺪﺮﻜﻪ ﺍﻟﻤﺮﺀ ﻴﺘﻤﻨﻰ ﻤﺍ ﻜﻞ ﻮ)

 

Quel est votre rituel d’écriture ?

Mes matinées sont réservées aux plaisirs quotidiens du sport (jogging en alternance avec exercices musculaires en salle de gym). Je me consacre en général à l’écriture pendant les après-midi.

 

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?

D’abord, je suis passionné par, et j’apprécie beaucoup la poésie arabe, du 8e-9e siècle, qui m’avait été inculquée par un de mes anciens professeurs du lycée de Sousse, en Tunisie de la fin des années 1960. Je souhaiterais donc écrire le plus tôt possible une biographie française d’Abou-Nawès (758-815). Ce talentueux poète bisexuel et libertin, ayant vécu sous la dynastie Abbaside (750-1258), avait consacré toute son œuvre à l’amour des hommes et des femmes, mais aussi et surtout à la passion du vin.

 

Puis, j’aimerais continuer mon modèle de narrer les mémoires du vivant pour restituer la saveur d’une époque avec un esprit intimement personnel ; une sorte d’escapade spatio-temporelle à ciel ouvert.

 

  1. Comment s’est fait le choix de votre maison d’édition ?

Étant anciennement chercheur scientifique, de métier, j’avais l’habitude d’explorer, lire, analyser, et décider. C’est ce qui s’est passé pour mon choix de la maison Éditions du Panthéon qui est engagée dans l’accompagnement et le soutien de l’Association Coup de Pouce. En outre, j’avoue aussi que son nom m’évoque subjectivement une émotionnelle nostalgie de mon quartier parisien favori du Ve arrondissement où j’avais vécu les années de ma jeunesse le long du Jardin des Plantes, dans la mémorable impasse du 29 rue Buffon, pendant mes longues études supérieures dans les deux Universités Paris-7 et Paris-6 (P. & M. Curie).

 

  1. Le mot de la fin ?

J’ose prétendre qu’avec ce livre, je transmets un message aux jeunes Tunisiens pour qu’ils prennent conscience de leur passivité vis-à-vis de l’actuelle situation du pays, et surtout de l’erreur qu’ils ont commise deux fois depuis la post-révolte quand ils étaient amadoués et piégés par les fausses promesses d’ambitieux et malhonnêtes politiciens.

J’ose aussi espérer que mon axiome s’avérera juste : Dans la vie, il y a des hauts et des bas ; la Tunisie est en ce moment en bas, mais un jour ou l’autre elle s’en sortira.