Thème : Romans régionaux, Terroir

Au loin grondait l’orage

« Adossé à une fenêtre du grand salon pour profiter de la lumière, Charles lisait la longue lettre de sa mère avec un mélange de tendresse et de curiosité. Cette habitude que Charlotte avait prise de lui écrire régulièrement, depuis qu’il s’était installé à Paris, le charmait toujours autant. Il appréciait de retrouver sous sa plume, nourrie de toutes les histoires romanesques dont elle était friande, les moindres événements qui agitaient Bellecombe et ses environs. »

De 1905 jusqu’à la veille de la Grande Guerre, les destins de femmes et d’hommes de toutes origines sociales se croisent. Un lien les unit, leur appartenance à une même terre, la Corrèze.
Dans ce début de siècle bouillonnant, entre progrès et traditions empesées, les secrets des unes et des autres sont à l’origine de bien des renoncements mais se révèlent également de puissantes racines protectrices.
Reflet de l’engagement de l’auteure auprès de ses consœurs, la part belle est faite aux femmes, puissantes et solidaires entre elles, dans un monde largement dominé par les hommes.

Antoinette Bonnet

« – Non père, je n’épouserai pas le Joseph, ni aucun autre homme… Non parce qu’il est nain et que je suis chauve, mais parce que je ne veux pas devenir la servante de qui que ce soit ! Puis, père, vous n’aimez pas les gens différents, comme lui, comme moi… Ça vous gêne, hein ? Alors, sachez que si un jour je dois prendre un mari, c’est moi qui le choisirai à mon goût, non vous et il devra m’accepter comme je suis. »

1569, abbaye Saint-Pierre-des-Chazes. Soupçonnée de pactiser avec le diable, Antoinette Bonnet attend sa condamnation.
Depuis son jeune âge, elle sait calmer les douleurs, apaiser les esprits. Elle aide les femmes à mettre au monde leurs enfants, connaît le pouvoir des plantes, possède un étrange don de divination. Elle est très, trop populaire auprès des villageois, elle dérange. L’abbesse des Chazes, jalouse de sa notoriété, lui tend un traquenard pensant la faire disparaître pour toujours. Un tribunal composé de nobles, de seigneurs, d’hommes d’Église doit décider de son sort. Monsieur de Langheac a déjà fait ériger un bûcher en sa bonne ville de Langheac pour qu’elle y soit brûlée vive. Antoinette plaide son innocence et expose des faits effroyables, monstrueux qui incriminent ses accusateurs…
Antoinette, éprise de nature, nous entraîne sur les chemins tortueux du Haut-Allier. Elle nous plonge dans la vie rude de ce milieu du XVIe siècle où la paysannerie devait se battre à chaque instant entre aléa climatique, croyance diabolique et puissance seigneuriale.

Philomène – Le sang de la terre

« La mère avait accepté de la louer aux cuisines pour remplacer Thérèse, grosse de cinq mois, qui ne pouvait plus cacher son état et continuer à servir sans offenser Dieu et la décence puisqu’elle était fille encore. Elle l’avait avoué à Philomène qui s’étonnait de la voir en retrait de la procession et qui s’était spontanément portée à sa rencontre. Bien que n’habitant pas le même hameau, les deux jeunes filles se connaissaient depuis l’enfance et avaient maintes fois gardé ensemble. Puis, Thérèse avait eu la chance d’être prise au château et, à partir de ce jour, n’était plus allée aux champs. »

Fresque sociétale et tableau de mœurs, « Philomène, le sang de la terre » nous plonge dans la campagne limousine de la fin du XIXe siècle.
Placée comme domestique chez des notables, la toute jeune Philomène expérimente les duretés et les contradictions d’une période charnière, entre modernité et traditions ancestrales.
L’attachant personnage de La Mamée, rencontré dans « Comme une colombe en plein vol » (Éditions du Panthéon, 2017), est ici mis à l’honneur. C’est sa jeunesse qui est relatée : son émouvante tentative d’émancipation sociale et amoureuse, narrée avec la finesse psychologique qui caractérise l’œuvre de Muriel Batave-Matton.
L’autrice conjugue avec ce huitième roman son engagement pour la cause des femmes et son attachement indéfectible aux auteurs réalistes du XIXe siècle, George Sand en tête.

Lulu

« L’enfant n’aime pas non plus se mêler aux jeux de son frère qui joue au fermier, à la guerre et qui déguerpit vite dans le village pour partager ses occupations avec les autres gamins. Lui, au contraire, reste dans la cour de la ferme, solitaire, perdu dans d’autres pensées. Il ne cherche pas la compagnie. »

Lucien naît dans une famille paysanne quelque part en Haute-Loire, à l’orée des années soixante. Peu sociable, il vit dans sa bulle. Lorsque le diagnostic de trouble mental tombe, le cercle familial s’effondre. Lulu vit alors entre les deux femmes de sa vie, ses piliers, sa mère et sa grand-mère.
Un médecin qui l’examine résume en une phrase son handicap : « Quand un enfant regarde, il paraît ne pas entendre, lorsqu’il écoute, il paraît ne pas voir ».
Lulu grandit, non sans difficultés et en dépit des moqueries, sans suivi psychologique ni structure adaptée, jusqu’au pire.
Sensible, encore et toujours, à la différence, Maryse Mezard poursuit son exploration des campagnes du Velay. Cette fois, elle aborde son pays de cœur sous l’angle psychosocial, à une époque où naître autiste était une malédiction.

Sous le chêne de Véléda

« Elle est la Mère.
Attirés par son magnétisme les hommes sortis du grand rif sont montés vers le nord.
Ils l’ont cherchée, l’ont implorée pour obtenir sa protection quand le tonnerre grondait, le volcan crachait ou le fleuve débordait. Ils l’ont cherchée en parcourant la terre.
Mais Elle était la Terre.
Elle était Gaïa et Elle les avait enfantés. Eux la nommaient Dana, Dôn, Ana. Ils lui parlaient. »

1850, dans un village de bûcherons niché au cœur des Vosges, sous le col du Donon. Ses habitants, attachés à leurs croyances ancestrales et à leurs traditions, voient un jour débarquer sous leurs cieux un étranger. La présence de cet homme révélera leur crainte du présent, insidieuse et tapie au fond d’eux, tout en leur permettant de comprendre et d’embrasser leur foi innée et puissante en l’avenir.

Liberté…

« Marie, libérez-vous de cette religion que vous n’avez pas choisie, qu’on vous a imposée depuis votre naissance. Devenez une femme libre : libre de vos choix, de vos opinions, de votre vie ! Oubliez le « qu’en-dira-t-on », vivez librement ! Vous êtes intelligente, vous saurez vous en sortir ! Votre enfance est derrière vous, votre avenir vous tend la main, foncez, devenez une autre, donnez l’exemple aux femmes qui, comme vous, sont sous la contrainte des traditions, de la religion. »

« Une vie différente » nous faisait découvrir la Haute-Loire du début du XXe siècle en suivant les pas d’André Chardon. Dans ce roman, c’est Marie, sa fille, qui, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, souhaite prendre sa vie en main et s’affranchir de toutes les contraintes injustes imposées aux femmes. Elle que l’on destinait à devenir religieuse, se bat pour elle-même, mais aussi pour son pays quand vient le temps de la Résistance…

Quatre saisons pour un printemps

Aux leçons de morale du maître en classe et du curé à l’église, Eugène et Palmyre ajoutaient sans en avoir l’air des leçons de vie que le garçon intégrait naturellement et qu’il aurait sûrement à cœur, espéraient-ils secrètement, d’appliquer et de transmettre plus tard à ses propres enfants.

Le temps de l’adolescence est aussi celui où se construisent les bases de nos vies d’adultes. Avec ce roman touchant et éclairé sur la famille, l’instruction et le travail, l’auteur nous rappelle que l’éducation ne se fait pas seulement sur les bancs de l’école.

Une vie différente

Difficile de naître et de survivre en cet hiver 1892 ! Difficile d’être un enfant dans ce petit coin de Haute-Loire ! Difficile de devenir un homme, un soldat, un père et plus…

La Haute-Loire, début du XXe siècle. La vie rude et rangée des paysans du Velay est marquée par les croyances et la religion. Les interdits et les coutumes sont tout-puissants, l’homosexualité est taboue ; ceux qui y contreviennent subissent de lourdes conséquences. L’enfer des tranchées survient, qui bouleverse tout.