Thème : Nouvelles

Vanités

« N’existe-t-il pas d’autre voie pour assurer le bonheur des hommes ? Gagner, toujours gagner, afficher une domination et soumettre, est-ce là notre ultime finalité ? »

Reprenant le thème qui lui est cher – quel sens donnons-nous à notre vie – Christophe Agogué explore dans cette nouvelle théâtrale les destinées de personnages historiques à l’instant de la décision. Il choisit de traverser les époques – depuis la guerre de Troie jusqu’à un dialogue imaginaire entre Sartre et Foucault – pour révéler le contrepoint à l’engrenage de violences : Frédéric Hohenstauffen qui mena la sixième croisade… par la diplomatie.

Chronique insulaire

« Cet épisode fut l’un des premiers temps de l’accueil de Joël quand il décida de quitter « le vieux monde » pour être de nouveau un insulaire. Dans sa phase de redécouverte, son vélo allait constituer selon lui d’abord une bonne façon d’appréhender l’espace et allait ensuite lui permettre d’établir une certaine relation de proximité, pour enfin faciliter l’imprégnation du lieu après ses années d’absence. »

À travers des tranches de vie et des réflexions intimes mises à nu, à travers les yeux d’hommes et de femmes, d’adultes et d’enfants, Victor Gilbert Faraux brosse un portrait intérieur d’un imaginaire caribéen. Il met en lumière les questions d’identité et d’appartenance essentielles dans le contexte insulaire des sociétés créoles. Celles-ci ont su créer et maintenir une singularité marquée à travers les époques, dans leur rapport à autrui et au monde.

Les voyages intérieurs

« Deux jours plus tard, ils entrèrent sans coup férir dans la place, soigneusement déguisés en paysans rustres et avinés, ayant caché leurs armes dans les tonneaux emplis de vin. Réfugiés dans une auberge à cent sous, ils partirent en reconnaissance, dispersés, se mêlant au bon peuple qui n’avait pas l’air si réjoui de la présence anglaise. Le plan fut mis au point pour la prochaine sortie de Jeanne de sa prison, quel que soit le moment, avant ou après le jugement. »

Entrer en soi-même pour y faire la découverte de l’extraordinaire et du paradoxal dépassement de soi. Cette plongée éminemment personnelle est la condition sine qua non à ce que les personnages de ces nouvelles vont vivre comme une libération. Pierre, Mathis, Éphistole et Nicéphore tâtonnent, trébuchent, avant de faire l’expérience de la vacuité de soi et de cette liberté chèrement acquise. Car relever la tête a un prix. Lequel êtes-vous prêt à payer ?
Loup Francart imagine avec humour et une lucidité aiguë les remises en cause intimes de quatre hommes. Méditation, philosophie et tendre ironie font bon ménage sous sa plume si caractéristique.
Auparavant expert en stratégie et gestion de crise, l’auteur se consacre aujourd’hui à ses passions artistiques, la peinture, la musique, la littérature. Il tient également un blog dans lequel il fait part de ses réflexions sociétales et personnelles.

La formule Dieu : le testament de Massana Ateh

« Me revoilà à la Croisée du Chemin accompagnée de mon plus vieil ami l’Oracle, vieux frère ennemi. La valeur de son enseignement consiste à nous apprendre qu’au niveau de la Matière, l’illusion commence où s’arrête le doute. »

Lilith, envoyée sur Terre sous l’identité de l’enquêtrice Massana Ateh, retrouve un Lucifer dépressif qu’elle n’a pas côtoyé depuis des siècles. Des retrouvailles au sommet pour les amants terribles, à l’aube du Nouvel Âge. Ainsi débute une course-poursuite intense et sulfureuse à travers les temps, à laquelle un seul survivra.

La fugue

« Achille, Hector, Ulysse et son cheval truqué. Bien sûr, tu connais le reportage de guerre d’Homère avec son background érotique. Mais sais-tu que le cheval de Troie existe toujours ? Il mesure quinze mètres de haut avec un escalier pour y grimper et des fenêtres pour regarder dehors. Évidemment, ce n’est plus celui d’Ulysse  »

Quatre nouvelles, quatre séries de portraits aussi divers que loufoques : deux amis partent sur les traces d’un jeune couple fugueur ; un clochard gagne au jeu et, tel un Gatsby des bas-fonds, invite tous les marginaux à une fête grandiose ; des policiers retraités retrouvent le sel de leur grande époque en planifiant un hold-up. Et en guise d’inattendue conclusion, un médecin engagé par une plantureuse diva part à l’assaut de l’Alaska…
Voyager, rire, s’évader, la riche promesse de ce recueil est tenue par un auteur au meilleur de sa plume.

De courir parfois, mon regard s’arrête

« Lorsque nous pensons à ces choix qui auraient pu changer tant de choses dans nos vies, “how many roads must a man work down, how many seas must a white dove sail…”, nous pouvons ne plus y penser ou bien au contraire essayer d’imaginer ce qu’elles auraient pu devenir et les raconter avec une plume, un clavier ou un pinceau. C’est ainsi que nous avons plusieurs vies. »

Dans ce second opus, Philippe Virolle explore l’abandon, l’enfance fauchée, l’absence ou la vieillesse. Dans le style fluide qui le caractérise, il cherche dans ses souvenirs des réponses à son violent ressenti du présent.

La plume est sombre, les références s’imprègnent de philosophie. Mais derrière les mots durs et les sentiments sans concession, se trouvent un rêve inachevé et un regard singulier qui nous proposent de transcender nos déterminismes. En filigrane se cache une musique, probablement ce concerto de Beethoven auquel l’auteur se raccrochait dans le tumulte de sa solitude enfantine.

Vous en reprendrez bien une becquée

« Comme beaucoup de femmes de son âge nées avec le vingtième siècle et qui donc avaient connu deux guerres, bien nourrir sa famille, ses enfants, ses petits-enfants relevait presque de l’instinct puissant qui préside à la conservation de l’espèce. Femme elle était, mère aussi et surtout, participant avec toutes les autres au relèvement d’une population deux fois clairsemée par les obus et la mitraille. Et, quelque part, c’était aussi pour elle une manière de revanche sur les faits de vie qui ne l’avaient pas épargnée, en même temps que de tout son être, elle mettait sa progéniture à l’abri d’éventuelles redites de ce qui l’avait meurtrie. »

Conscient de ne pas avoir tout raconté dans Vous m’en direz tant, Jean-François Costa reprend sa plume pour en libérer les pensées qui l’animent. De ses souvenirs d’école à ses observations de la société, il dépeint des tableaux urbains soulevant des comportements qui parleront au plus grand nombre. Il transmet ainsi ses leçons de vie avec délicatesse et subtilité.

Constats sans équivoque, attitudes consternantes, douceur de vivre, actualité corrosive, d’une page à l’autre l’auteur balaye ses expériences pour révéler toute l’étendue de sa nostalgie. À la fois malicieux et plein d’autodérision, il en retient finalement qu’il faut garder l’espoir de croire que dans toute gangue peut se cacher la pierre rare.

Octobre

De cette soirée du mois de Mai, la troisième s’entame.
Sept mois ont filé. Elle ne l’a plus revu.
Il n’est jamais revenu, n’a jamais voulu la revoir.
En cette saison des fleurs, elle meurt.
Elle se meurt.
Les jours toxiques de désespoir.

La démarche légère, l’abandon dans les bras de l’amant, la langueur des heures douces. Pourtant, la griffure de la peur, l’amour trahi, le piège refermé sur la chair à vif. Tableau de la métamorphose, «Octobre» décline les tourments de la passion.

Susan, Éléonore, Lucie, trois prénoms et, peut-être, une seule femme. La silhouette qui traverse ces pages n’est « ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre », un rêve familier qui s’évanouit au réveil.

La partition de ce texte, dont chaque mot est pesé, suggère toutes les nuances, les rythmes et ambivalences du cœur. «Octobre», c’est tout à la fois le point d’orgue du souffle, le flamboiement des couleurs automnales et le parfum froid de l’hiver.

Nouvelles brèves

« Comme s’il suffisait de monter six étages à pieds. Comme s’il suffisait de lever les yeux dans la nuit, de trouver dans l’immobilité des étoiles une espèce de jet d’osselets. La solitude n’a rien de virginale, on n’est pas en Asie. Vous, les humains, croyez que la tristesse est rédemptrice, que les larmes, parce qu’elles sont incontrôlables, réparent comme une eau miraculeuse… »

Paul, Philibert, Tristan, Emma, Louise et tant d’autres ont des vies presque banales. Soudain, c’est le quotidien qui s’interrompt, le silence qui se fait, le temps qui se fige. Sur une rencontre, tout bascule. Le monde lui-même devient fantasmagorique.

Courts et ciselés, ces récits sont autant d’instantanés, de ces photos prises au flash et qui vous aveuglent. Le temps de quelques pages tournées comme on marche au bord d’une falaise. Hugo, Kadia, Nelia ou Arnaud pourraient être n’importe qui… Vous, peut-être ?

De cette enfance passée dans un lugubre pensionnat, Philippe Virolle n’en perdra jamais le goût amer et l’étau de la solitude. Son combat contre ses fantômes est celui de toute une vie : ainsi, les personnages de ses nouvelles cherchent sans cesse le regard et l’amour de l’autre, et se cognent aux murs de leur pensionnat. Car dans son monde imaginaire, tout est possible, mais il n’y a que deux issues : aimer ou mourir.

Vous m’en direz tant

« Pépère a fait claquer, en le refermant, la lame du couteau qu’il a glissé dans la poche de son pantalon de velours beige. Il a repoussé son assiette, balayé du tranchant de la main les miettes de pain restées devant lui et les a mises dans sa bouche, puis en se levant il s’est recoiffé de la casquette qu’il avait déposée sur l’un des montants du dossier de sa chaise. Mémère à son tour a quitté la table pour se rendre à la cuisine et réchauffer le café qu’elle a passé ce matin avec un peu de chicorée dans la vieille cafetière deux corps en aluminium. »

D’hier à aujourd’hui, les souvenirs se délient et réveillent tour à tour la joie, la douleur et l’insouciance. Sous la plume de Jean-François Costa, renaissent les effluves d’un lapin finissant de cuire dans sa sauce rousse, les larmes d’émotion de sa grand-mère, ses bêtises d’écolier, la couleur du blé qui n’est pas encore tout à fait mûr, l’angoisse de la Guerre d’Algérie et le son de la casserole toute bosselée dans laquelle frémit le café. Malicieuses, légères et pleines d’autodérision, ses anecdotes prennent l’apparence d’une fable comme pour mieux se laisser conter à ses enfants, qui découvrent encore avec étonnement qu’il a vécu avant de devenir leur père.

C’est après un grave accident de santé que Jean-François Costa a éprouvé le besoin impérieux de traduire en mots ses sensations, dont il sait aujourd’hui combien on peut craindre qu’elles puissent être les dernières et qu’avec elles finira une existence. Face à cette nécessité de transmettre, il prête à sa mémoire une plume simple et ô combien lumineuse, chargée de tendresse et de nostalgie. Car ce sont ces instants de rien, au fond, qui ont valeur de tout.

Récits insolites

« Remontant à la surface pour respirer, elle regarda l’au-dehors, puis l’au-dedans. Aucune rupture. Elle n’éprouva aucun changement d’impression, aucun décalage entre les deux regards, aucun déclic inaudible. Rien, un monde lisse et pourtant ô combien différent. »

Après quoi courons-nous ? L’argent, la gloire ou l’amour ? Au fond, qu’est-ce qui nous anime, nous transporte et nous imprègne? Enfin… qu’est-ce qui nous fait vivre?

Avec ce recueil de nouvelles, Loup Francart reprend la plume avec une profondeur nouvelle, affûtée au contact du fantastique. En prenant le quotidien pour cadre, dans tout ce que la vie courante se réclame de banale, il baisse notre garde et nous touche en plein coeur. Voyages initiatiques à part entière, chacun de ses récits sonde nos existences, nos doutes et nos attentes. Que sont devenus nos espoirs d’une vie meilleure? Décorseté par le surnaturel, l’ordinaire vibre de sa fonction primaire: donner un sens. Épris de liberté, nos existences prennent enfin le chemin différent, éveillé et souriant auquel nous sommes destinés. Sitôt affranchis, le fantastique s’estompe pour laisser place à l’accoutumée. Insolites, ces nouvelles le sont assurément: mais n’est-ce pas le cas de chacun d’entre nous ?

Petits bouts de rien

« Et vous plongez dans la foule qui s’écrase les pieds de manière organisée, sans pardon, avec un regard qui ne voit rien que le vêtement désiré, fantasmé, admiré, deux semaines avant, dans la devanture d’une boutique, mais trop cher pour leurs moyens qui sont toujours insuffisants au regard de leurs désirs. Retour à la vie, la vraie. »

Comment résoudre l’équation du bonheur ? La force de l’âge rend la quête plus simple. Tout l’exercice consiste à retrouver la capacité à s’émerveiller. La solution devient alors évidente : vivre pleinement l’instant présent.

Du quotidien jusqu’aux réflexions intimistes, Loup Francart raconte ce qui compose les mille moments de l’existence. Les instants poétiques où les parisiennes flottent sur les trottoirs, ceux de la déclaration d’impôts, plus prosaïques, ou encore l’irruption d’un sentiment d’éternité au détour d’un chemin, le défi des artistes face à l’infinité des combinaisons de la création, les petits changements de société transformant les regards et les relations.

De l’humour, de la tendresse, de l’ironie, de la nostalgie, avec un regard poétique ou méditatif qui transporte le lecteur dans les mystères de la vie et du bonheur.

La princesse Clair de lune et le rossignol sans ailes

Clair de lune est une charmante princesse d’une beauté très rare. Malgré la tendresse et la grande affection que lui témoignent le roi et la reine, elle se sent très malheureuse dans ce milieu royal.

Attirée par le beau chant d’un rossignol sans ailes et par la musique mélodieuse jouée par un vieil aveugle, Clair de lune se retrouve en pleine forêt, éloignée de son milieu si protecteur.

« Et sous un ciel qui rayonne, d’un regard attendri, la jeune princesse dira : – Ô bel oiseau des champs, ô bel oiseau de l’azur, tu me fais plus de peine que me font les larmes du Messie. »

Cet instant de félicité est brutalement interrompu par l’intrusion de géants furieux qui logent à proximité. Ils font prisonniers l’ensemble des protagonistes. Heureusement, le destin s’en mêle et envoie celui qui pourra peut-être les délivrer.