Thème : Romans

Pacte avec la Déesse

« Étendue tout habillée sur son lit, Dame Graëta, les yeux mi-clos, paraissait réveillée et consciente du va-et-vient silencieux qui animait son habitation ; elle semblait tout observer paisiblement, mais sans bouger. Elle ne tournait même pas la tête pour voir les mounes qui venaient près de son lit, les visages inquiets qui se penchaient vers elle, l’un après l’autre, et qui entretenaient le fol espoir d’être celui, enfin, auquel elle dirait quelques mots.
Elle ne disait rien, elle ne murmurait rien. C’était déconcertant, incompréhensible, anormal !
Bien que visiblement réveillée, elle ne semblait pas pouvoir s’insuffler suffisamment d’énergie pour bouger la main ou ne serait-ce qu’un doigt. Quel sens donner à cela ? »

Dame Graëta subit une ankylose. Aldron, son époux, cherche conseil auprès du magü à la Rotonde où sa mounette Djeesa, très précoce, étudie les Karounas sacrés. Il sait que sa fille possède le don des mains bleues des princesses de Newiheule et espère qu’elle pourra guérir sa mère. Cependant, il arrive rapidement au constat que la Dame a offensé la Déesse par omission. Accompagné de Djeesa, il décide alors de s’envoler pour le Nord d’Hispéria afin de comprendre et d’obtenir la médecine divine capable d’interrompre l’errance de l’esprit de Graëta.

Parviendront-ils à découvrir le ressort de sa maladie afin de pouvoir la guérir ? Djeesa trouvera-t-elle en elle la volonté d’accomplir sa destinée ? C’est dans un ensemble finement composé que l’auteure nous entraîne dans un univers sacré habité de personnages merveilleux. Quelle que soit la finalité de ce périple, une chose est sûre, vous venez d’entrer à Hispéria…

Forever, l’amour toujours – Tome II : Hauts les coeurs, bas les masques

« Plongée dans un profond coma depuis six heures, et ayant frôlé la mort de près, j’ouvris les yeux au Sydney Adventist Hospital. Jetant un rapide regard autour de moi, je compris où je me trouvais, et constatai avec un immense bonheur, et un fort soulagement, que mon beau portoricain était à mes côtés. Il était endormi sur une chaise, sa tête déposée sur ma main droite, légèrement appuyée sur le bord de mon lit. Reprenant lentement mes idées, je fus attendrie par sa posture. Avec délicatesse, je retirai mes doigts un à un, ne voulant pas le faire sursauter. Il était terriblement beau lorsqu’il dormait, si bien que je ne pus m’empêcher de rester à l’admirer quelques secondes avant de le réveiller. »

Paloma se réveille à l’hôpital de Sydney. Rassurée de voir Rick auprès d’elle, elle absorbe sans retenue l’énergie frénétique de celui qui compte le plus à ses yeux. Aux prises avec la complexité d’une famille qui tente de l’éloigner de celui qu’elle aime, Paloma doit apprivoiser ses pulsions et apprendre à se confronter aux différents avis qui l’entourent.

Dans cette fresque en perpétuel mouvement, on retrouve l’héroïne du premier roman de Cécile Blot-Vase, paru en 2016. Avec son écriture sauvage et son sens inné de la description, l’auteure poursuit ici son exploration de l’amour au travers d’un couple que tout oppose.

Le périple de Lucien Pichet

« Lucien Pichet, dit “Lulu”, ne quitte jamais sa côte bleue, ses bottes vertes et sa casquette en velours. Il est encore assez costaud, même s’il commence à traîner des pieds : on n’a plus vingt ans quand même ! Il est veuf, les enfants et petits-enfants sont partis loin, à la grande ville. Il se lève tous les jours aux aurores pour traire ses vaches et parfois même la nuit pour donner le biberon aux petits moutons. Sa ferme n’est pas très grande, mais ça lui suffit pour vivre. C’est pas à quatre-vingt-cinq ans et quelques… à partir d’un moment on ne compte plus, qu’il va chercher à se développer. Il paraît même que maintenant, les vaches se traient toutes seules, avec des machines, des ordinateurs. Non mais, dans quel monde on va ? »

Lucien Pichet vit dans une ferme en Bretagne. Il y mène une vie paisible, entre joies simples et travail de dur labeur. Mais sa routine va être chamboulée à la réception d’une lettre inquiétante envoyée par sa cousine. Il décide alors d’aller lui rendre visite en prenant la route au volant de son authentique Simca Aronde.

Au cours de cette traversée rocambolesque, Lucien fera de nombreuses rencontres et décidera de prolonger ce périple en allant rendre visite à ses enfants, oubliés depuis trop longtemps… Parviendra-t-il à s’accommoder à tant de changements ? Une chose est sûre, cet homme n’a pas fini d’être fatigué par la grande ville…

La Fille du miel

« Nos têtes sont inclinées près du visage blafard de notre mère. Ses yeux sont clos. Ses belles mains amaigries reposent sur le drap blanc.
La petite aiguille de son horloge intime s’est arrêtée à dix heures. J’ai crié encore une fois « maman ». Ce mot tellement répété s’est étouffé dans ma poitrine. Dans le grand silence de cette chambre, nous l’avons regardée longtemps. Nous voulions nous imprégner d’elle. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés, muets, figés. Mon frère s’est levé :
– Rose, je vais au jardin.
Le vent rabat quelques légers flocons de neige contre les vitres.
Je ne peux pas la quitter, je sais ce qu’elle attend encore de moi. »

Marcelle est une petite suissesse. Entourée d’une famille aimante, elle grandit dans un pays qu’elle chérit. Mais lorsque la fillette va avoir douze ans, son père décide de s’exiler en France. Devant quitter tout ce à quoi elle est attachée, une profonde rupture naît en elle. Marcelle est bouleversée, ce changement de vie la marquera à jamais.

D’une plume triste et sincère, l’auteure dévoile l’histoire d’une femme en proie à toutes les difficultés d’aimer. Brisée dès son plus jeune âge, celle qui n’arrivera jamais à se défaire de cet éloignement nous transporte dans un spleen sans équivoque.

Les pirates

Tous faisaient partie de l’équipage, avaient le sens de la camaraderie et étaient solidaires. Zanders en était le capitaine et Marco, le sous-chef. Leur bateau n’était pas si grand que ça, il était de taille moyenne, presque petit. Ils l’appelaient « Le Dragon ».

À une époque où il faisait bon être pirate, Zanders, un capitaine fort, brave et téméraire, possédait un équipage de neuf hommes. Tous étaient différents, solides, authentiques. Et parmi eux se trouvait l’ami d’enfance et bras droit du commandant : Marco, un homme rusé et agile qui consolidait l’escouade. Ensemble, ils bravaient vents et marées. Jusqu’au jour où ils décidèrent d’aider un vieil homme dont la famille était prisonnière d’un tyran.

Qui était ce despote ? Que voulait-il à ces innocents ? C’est d’une plume vive et sauvage que l’auteur nous transporte au cœur du monde des pirates. Un univers sans merci, où la brigade de Zanders sera prête à tout… même au pire.

Le tourbillon de la vie

« Maurice avait tenu à inviter le curé de l’église Saint-Sulpice à l’office. C’était important, le prêtre avait toujours répondu présent, ces dernières décennies, face à ses doutes, ses détresses, voire à ses indignations. Il était en quelque sorte le régulateur spirituel du chef de famille, comme Maurice aimait à le souligner. »

Paris, 1978. Quelques années sont passées, Clarisse finalise sa thèse de philosophie et découvre le bonheur parental avec Philippe. David, frère de Philippe, a pris un virage personnel inattendu. Gérard, frère de Clarisse, débarque du Brésil sans crier gare, tandis que les deux familles se trouvent plongées dans une pittoresque et frénétique chasse au trésor !

C’est dans un style enlevé que nous retrouvons ainsi nos deux familles bourgeoises de l’est parisien à la fin des années 70. À travers toute cette agitation urbaine, le fil conducteur semble être le mariage promis de Clarisse et de Philippe. Un dénouement que tous les proches semblent attendre avec impatience. Trop intensément, peut-être ?

Le livre de Bernard Allègre

« Il fit très chaud cet été-là dans la vallée du Rhône. Certains après-midi de la fin du mois de juillet, la température sous abri atteignit et dépassa même 40 degrés… Les fruits donnèrent tous les signes d’une maturité précoce. La saison en arboriculture s’en trouva presque partout écourtée ».

Le lecteur trouvera ici la suite des trois précédents tomes du Livre de Bernard Allègre, livre que son auteur nous a dit vouloir, comme Chrétien de Troyes pour le premier des siens, qu’il reste « dans les mémoires tant que durera la chrétienté ».

Cette curieuse volonté, nous l’avons vu, termine un long avertissement que l’auteur, âgé et désireux de garder l’anonymat, se réserve de mettre un jour en exergue à l’œuvre complète, si, comme il le dit, Dieu lui prête vie.

Le présent quatrième tome voit donc s’achever le cycle des années de formation intellectuelle du héros, mais il poursuit le récit de ses « périlleuses aventures » morales en France et bientôt en Afrique.

Version moderne d’une « nouvelle continuation » donnée à la dernière œuvre inachevée de Chrétien de Troyes, nouvelle quête aussi d’un Graal pleinement restitué à ses origines chrétiennes, ce récit lucide et sans concession retrace la quête existentielle, mais surtout spirituelle, d’un jeune chrétien de la fin du XXe siècle.

Des larmes de miel

« Un visage agréable qui inspire le calme, la douceur. Il a des cheveux grisonnants, il devait être blond. Je n’aime pas spécialement les hommes blonds, celui-là dégage quelque chose d’apaisant, de serein.
Il semble un peu aventurier, un peu globe-trotteur. Pourquoi ne pas faire plus ample connaissance avec lui ? Derrière mon écran, je ne cours aucun risque… »

Lise rencontre Claude au hasard de ses navigations virtuelles. Un homme intéressant, voyageur, avec qui elle finit par développer un lien plus qu’amical, via Internet… Mais Claude est bien trop mystérieux pour être honnête et Lise, loin d’être naïve, cherche à découvrir le pot aux roses !

Dans un récit tout en rebondissements au parfum de vécu, Lucette Bohl délie une plume tendre et espiègle pour nous montrer avec simplicité que les ficelles ne sont pas toujours tirées par celui qui le croit.

Jeanne

« 1900 dans la belle Dordogne
C’était la fête au village de Saint-Genis du Bois.
Berthe quitta la maison accompagnée de son frère, elle était heureuse, elle allait retrouver le beau Frédéric qui n’avait d’yeux que pour elle. Elle avait mis sa jolie robe blanche, bien corsetée, ses jolies bottines et dans sa petite bourse, le mouchoir qu’elle avait brodé et qu’elle devait lui offrir. Les joues rougies sur une peau mate tannée par le soleil de Gascogne, ses beaux cheveux bruns tombant sur ses reins, lui donnaient l’air d’une petite sauvageonne au regard ardent.
Alors que son frère confiait son attelage au garçon d’écurie, Berthe aperçut au loin Frédéric ; à chaque rencontre, elle retombait sous le charme de ce garçon aux cheveux bruns frisés, aux yeux gris-vert où passaient tous ses sentiments ; son sourire rehaussé d’une fine moustache le distinguait des autres garçons de la commune, il était beau de cette beauté virile et raffinée qui contrastait avec la rudesse de ses camarades. »

Poser sa pensée et y trouver le fil qui mène à raconter une histoire, son histoire. Tel est le point de départ de l’auteur qui retrace un parcours parsemé d’épreuves, de douceurs et souvent de difficultés. De la Dordogne à Paris, une chose est sûre, sa force intérieure s’est décuplée !

Au fil des pages, l’auteur se souvient, invente, mélange et digresse. Entre rêve et réalité, il en ressort une profonde envie de mettre à jour une tristesse exultée et un bonheur espéré.

De formation classique, Jeanne Huteau est toujours restée attachée à ces valeurs traditionnelles. Profondément encline à l’art, elle aime l’écriture virile de Joseph Kessel autant que la puissance vocale de Louis Armstrong. Une forme d’éclectisme retrouvée dans le style de ce premier ouvrage.

L’espion laissé en rade

« Donner un petit coup de pouce aux savants soviétiques, à “l’ours”, dans leurs travaux sur la conquête spatiale ou la fission de l’atome et – ce n’était jamais exprimé – dans la conquête du monde où lui-même et des milliers d’autres pourraient alors reposer en paix, avec la satisfaction du devoir accompli, de services rendus à l’humanité, dans l’ombre certes, mais avec zèle et efficacité, constituait pour lui une haute et magnifique mission sur terre : la paix dans la justice, l’égalité et la fraternité des peuples, la fin de l’esclavage pour les prolétaires de tous pays. Utopie ? »

1982, quelque part dans les bois d’un massif montagneux à la frontière franco-italienne. Lorsqu’il découvre le cadavre en décomposition d’un inconnu, le commissaire, fin limier, devine aussitôt que l’enquête sera aussi longue que difficile. En effet, se trouve à proximité une centrale hydro-électrique abritant des recherches ultra confidentielles et sans doute explosives, dans tous les sens du terme. Les opposants et autres intrus ne sont pas rares dans le secteur : un espion, brillant ingénieur naturalisé allemand et acquis à l’idéologie communiste, entend y subtiliser des secrets majeurs. Sa fille, conditionnée pour devenir une redoutable et irrésistible Mata-Hari, l’accompagne pour séduire le responsable de cette usine décidément très convoitée… Arriveront-ils à leurs fins ?

D’une plume aussi drôle que débridée, Jy Hache enchaîne les rebondissements sur fond d’événements historiques marquants, et que nous redécouvrons avec intérêt, curiosité et parfois même, étonnement.

Sanglante descendance

« Vous connaissez cette peur ? Celle qui ne vous quitte plus. Celle qui vous suit partout, sans relâche. Vous en perdez la tête. Vous avez juste l’impression de devenir fou. Plus personne ne vous croit. Vous vous retrouvez seul. Vous vous isolez et c’est à ce moment-là que moi j’interviens.
Alors vous connaissez cette angoisse ? Non, pas encore ? Attendez un peu, regardez autour de vous. Je ne suis pas loin. Vous n’avez aucune chance, même si je vous le dis.
Une fois qu’on actionne la machine, rien ne l’arrête et celle-ci est lancée depuis bien longtemps. »

Jack Astrier mène une vie tout à fait normale, étudiant en médecine, il va fêter ses vingt ans. Mais son père en décide autrement. Il est temps pour lui de connaître le plus lourd secret que partage sa famille : Jack est le descendant d’un célèbre tueur en série… et pour honorer ses ancêtres, il va devoir perpétuer son héritage.

Tous les hommes de la famille Astrier renferment en eux un gène d’assassin maintenu par une colère hypertrophiée. Au fil des siècles, ils ont appris à se protéger afin de ne jamais se faire prendre. Mais Jack, pourtant insoupçonnable, est encore plus dangereux.

La vie changera

« Après un léger silence, le vieil homme demanda en gaillard tranquille qui connaît la vie :
− Dites-moi quel âge avez-vous ?
− Vingt-cinq ans.
− La vie changera fiston.

L’homme sourit et répéta :
− N’oublie jamais que la vie changera ! »

Jeune ingénieur dans une société multinationale, Adam quitte à l’improviste son travail et délaisse son confort pour enfin trouver un sens à sa vie. Inspiré par une phrase lue par hasard, il cherche à comprendre ce qu’est le désir du cœur, le sens du vent et le chemin de la vie. Mais par où commencer ?

C’est d’un lieu, d’une personne, et de sa propre conscience que tout pourra commencer. Il se met alors en quête du village évoqué par sa mère dans les contes qu’elle lui racontait. Inconnu de tous, introuvable, Adam ne perd pas espoir et se maintient à l’idée que quelque part aux sommets des montagnes du moyen Atlas l’attend Koucha…

Comment prenons-nous conscience que la vie changera ? C’est en partant à la recherche d’un autre qu’El Mehdi Abdennassar s’est retrouvé. Face aux portes d’un nouveau monde, il nous livre un roman mystérieux et inspiré, prêt à toucher notre âme. La vie changera est son premier roman aux Éditions du Panthéon.

Noces d’un tombeau

« Qu’avait-il de particulier, ce texte que Pura tenait à avoir ? Si elle n’avait pas le droit de lire le texte, elle pouvait quand même jeter un coup d’œil sur les titres des différents chapitres, vingt-sept au total. Le problème, c’est que le premier chapitre portait un titre intriguant et tentant en même temps : La mauvaise nouvelle ! (…) Quelle était-elle, cette mauvaise nouvelle ? Il fallait le savoir ! Et pour le savoir, il fallait lire le fameux chapitre. Seulement, le seul premier chapitre ne permettait pas de dénouer l’énigme. En plus, les chapitres se suivaient et semblaient entrelacés. Sita se promit de dire à son fils qu’elle n’avait jamais lu son texte. Pura ne la croirait jamais. Tant pis ! »

Ayant perdu sa clé USB dans la maison familiale avant son départ pour des études supérieures en Allemagne, Pura charge Sita, sa mère, de la retrouver et de la lui renvoyer tout en lui interdisant d’en lire le contenu. Mais cette dernière ne résiste pas à la tentation. Elle y découvre « Noces d’un tombeau », le récit fantastique d’une jeune femme condamnée aux dures réalités d’un veuvage en campagne, puis soumise aux aléas conjoncturels d’une vie urbaine. D’abord fascinée par l’idée d’avoir un fils écrivain, Sita estime après réflexion que la réputation de toute l’Afrique prendrait un coup si le texte était publié. Mais s’opposer à sa parution reviendrait à reconnaître qu’elle a trahi la confiance de Pura…
À travers l’œil voyeur d’une mère possessive et dévouée, nous découvrons ainsi un roman captivant et palpitant, ponctué de mille péripéties et au dénouement semi-heureux, à la manière d’une fable malicieuse.

Les 29 jours du Roi Bissextile

Pour être bissextile, une année doit remplir deux conditions : être multiple de 4 et, pour les centaines, multiple de 400. Mais pour être Roi, quelles sont-elles ?

Pour être bissextile, une année doit remplir deux conditions : être multiple de 4 et, pour les centaines, multiple de 400. Mais pour être Roi, quelles sont-elles ?

À cette sensibilité que nous lui connaissions déjà, Jean-Paul Rosart s’arme ici de dérision et s’empare du surréalisme. En y injectant l’absurde, il lui donne tout son sens : qu’il soit Ubu, élu ou imaginaire, ce roi en intérim n’est qu’une satire du pouvoir, l’ectoplasme d’un gouvernement. Résolument théâtral – car l’auteur sait teindre sa plume d’une cruelle gravité tragique – ce récit sonne comme le chant du cygne de la toute-puissance, le grincement désespéré d’un rouage condamné à tourner dans le vide. C’est qu’il a toujours manqué une pièce dans l’engrenage des chefs et un boulon chez les hautes instances. D’hier à aujourd’hui, le constat de l’écrivain reste le même : inchangé, le texte n’en est que plus lucide.

Comme une colombe en plein vol…

« Si lourd qu’ait été le passé, il reste pour elle, éminemment respectable et plus glorieux que le présent décadent qu’elle vit à présent et qu’elle supporte de moins en moins.
C’est ce passé qui lui a donné ses racines puissantes, qui lui a permis de s’ancrer durablement dans ce monde hostile et les moyens d’affronter sans faillir toutes les tempêtes.
C’est ce passé qui a façonné la femme qu’elle est devenue avec ses fragilités, mais sa force aussi. »

Pour Odette, une petite paysanne vouée aux durs travaux de la ferme et des champs dans les années 40 en Corrèze, l’horizon qui se profile n’est pas bien palpitant. Mais en saisissant avec courage les opportunités qui se présentent à elle, la jeune campagnarde prend son envol, envers et contre tous. Direction Paris ! Sera-t-elle suffisamment forte pour affronter les réalités de la vie citadine ?

À travers ce récit, Muriel Batave-Matton nous entraîne avec émotion sur deux décennies faites des rêves, espoirs, des découvertes et doutes de son héroïne. Du cœur de la campagne profonde aux sommets des mirages de la vie parisienne, ce roman dépeint l’exode rural et brosse une fresque humaine et résolument féminine, en entrecroisant plusieurs portraits singuliers.

Sous le masque

Londres, 2008, le soir d’Halloween. Josué est un beau trentenaire français, déguisé pour l’occasion, à qui tout semble avoir réussi. Pourtant, sous le masque qu’il porte, le désespoir le ronge… Seul et enivré sur le pont de Waterloo, il se penche vers le vide. Soudain, quelqu’un l’arrête : une jeune fille à la chevelure rousse, masquée elle aussi.

Qui est cette étrange inconnue qui lui a sauvé la vie, sans lui laisser ni nom, ni visage ? Pourrait-il la reconnaître ? Aurait-il rêvé ?

Après cette rencontre aussi anonyme qu’intense, le retour à la réalité frappe durement le jeune homme. Mais au fond de lui, quelque chose a changé : l’espérance d’obtenir des réponses à ses questions, et surtout, de retrouver un jour son amie au masque blanc.

L’héritier du vent. Tome III : La Nuit des Flambeaux

Sans se défaire de son assurance, Satora s’expliqua sur ses intentions. « Sois rassuré mon ami, je sais parfaitement ce que je fais. Vois-tu, le petit peuple se dresse comme un chien. Il peut facilement prendre un nouveau maître si celui-ci assure sa pitance et sa sécurité… Ce n’est pas vrai que le monde s’est régulièrement fait asservir par des dictateurs car là où personne n’obéit, aucun individu seul ne peut diriger. Mais parfois, un aboyeur haineux doublé d’un roquet démagogue séduit les simplets. Et il lui est ensuite aisé de former des suiveurs, des collaborateurs, des soldats ou des matons. En bref, de parfaits citoyens seront prêts à soumettre leurs semblables pour un toit et un morceau de pain. Même si leur chef donne des ordres moralement discutables, qui vont à l’encontre du bien public, ces ignares le serviront aveuglément, jusqu’à remplir des camps de contestataires, réprimer des insurrections populaires, abattre des innocents, alimenter les bûchers et creuser les fosses communes.
La nature humaine est fascinante et je pense qu’il n’y a aucune limite à sa cruauté dès lors qu’un supérieur assume la responsabilité des pires exactions… Je compte mettre ces connaissances à profit pour m’attacher les services de troupes fidèles… L’essentiel étant que leurs membres ne réfléchissent pas ! Ils doivent juste obéir aveuglément et charger sans hésitation la foule des dissidents, même s’il se trouve dans les rangs des insatisfaits leurs parents ou leurs propres enfants… Un pays ne se soumet pas à un homme, il se soumet aux forces de répression qui travaillent pour cet homme. »

« Quelle ironie ! » Cracha Aïhann. « Gens d’armes et militaires sont supposés défendre une nation et finalement, ils servent surtout à dominer le peuple, tout en le tenant à l’écart du grand banquet où festoie une minorité de fous ! »

Satora lâcha un rire cynique qui résonna dans la grande salle de réception. « Fais attention au vocabulaire que tu utilises ! C’est nous qui sommes désormais à la table du banquet ! »

Ô Sorbonne !

« Mais qu’est-ce que j’y foutais, moi, se dit P’titjean, dans cette auberge mystérieuse, en plein Moyen Âge, en compagnie de gens aussi bizarres ? Comme cet abbé trop plein de science, qui pour faire étalage de son érudition ne parle que par sentences ? Ou ce ménestrel ambulant qui se fait passer pour troubadour et qui assure sa substance quotidienne en se traînant par les tavernes pour échanger d’improbables générosités avec ses chansons d’amour courtois ? »

À tout juste 18 ans, P’titjean est un jeune homme lunaire et rêveur, absorbé par la lecture. En mouvement constant, il s’invente d’autres personnages, d’autres lieux, d’autres liaisons, si légères et si fluides que son corps et son esprit voltigent dans les nuages, dans un univers étrange et lointain. Et c’est ainsi qu’au cours de ses rêveries, le temps court, se dérobe et s’emporte. En un rien il passe d’une époque à l’autre, d’un lieu au suivant, sans souci de précision. Alternant entre imagination et réalité, il se double en un P’titjean illusoire, au gré des époques et des espaces.

Au travers de ce roman, Giorgio De Piaggi s’empare à nouveau de ce qu’il aime à tordre, distendre, rendre impalpable ou au contraire inévitable : le temps et l’espace. Éthérée, parfois troublée, il recrée une temporalité reflétée par le seul prisme de l’imagination, insoumise aux caprices des hommes.

Laureline ou le dernier run

« – Papa ! Papa, tu t’es endormi ?
– C’est ton tank aseptisé qui m’a assommé. Je ne me suis jamais endormi sur ma bécane.
– Je sais, papa, mais ta bécane, c’était il y a vingt ans. Tu ne peux pas vivre toujours dans le passé. Tu as soixante-seize ans, il serait temps de changer de disque, non ?
Je détournai les yeux du tableau de bord du Range Rover sport qui me traînait vers un nouveau mouroir… un de plus. Le paysage qui défi lait ressemblait à un décor de film à petit budget, et les commerces ternes qui bordaient la route me donnaient la nausée. La voiture s’engagea sans heurt sur un petit chemin goudronné, à travers un parc planté de pins. Je sentais Christian tendu. Mon fils ! Encore aujourd’hui, j’ai du mal à associer ces deux mots. »

Jack est un vétéran de la vie. Arrivé depuis peu dans une énième maison de retraite, il y fait la rencontre d’Albert, fonctionnaire retraité, et de Melvin, ancien légionnaire au passé trouble. En dépit de leur méconnaissance, Albert identifie rapidement Jack, car même si leurs routes ne se sont jamais croisées, un point les rattache : Laureline.

De cette rencontre va naître une réelle complicité, mais pour Jack, la fraternité a un sens particulier, et quand Albert se retrouve menacé, les méthodes peu orthodoxes qui ont guidé sa vie vont vite reprendre le dessus… On les croyait déjà morts, on se trompait !

Thierry Vigouroux Saint-Jacques révèle ici un roman d’aventure vif et touchant. Inspiré par des grands noms tels que Jacques Audiard, Henri Lœvenbruck ou encore Éric Giacometti, l’auteur joue avec les références tel un funambule agile.

Frères de Plume

À l’évidence, chacun de nous, a, en matière de journalisme, ses maîtres et ses modèles. Les miens resteront à jamais gravés dans ma mémoire. Ce sont mes frères de plume, « mes » Français de Maroc-Presse.

Sa première carte professionnelle : l’acte de naissance du journaliste ! Son heure vient de sonner à la grande horloge de la Presse. Le voici admis au sein des fins ciseleurs du verbe, des titreurs d’élite et rubricards hors pair, des funambules du calembour et de la métaphore. Avec ou sans stylo, avec ou sans filet.

Il allait vivre des éternités, des années, des mois, des heures uniques aux montres. Approcher et connaître des êtres d’exception qui ont écrit l’Histoire de son pays : Mohammed V, Hassan II, Mohammed VI, Mehdi Ben Barka, Mehdi El Manjra, Mahjoub Ben Seddik, Mohammed Zerktouni, Brahim Roudani et leurs compagnons de lutte. Et ses frères de plume, ses Français de Maroc-Presse.

Il s’y voyait déjà, saisi d’une jubilation muette, à la Une. Un règne sans partage, un squat de long en large, sur cinq colonnes – pas une de moins – à coups de scoops, d’enquêtes et de grands reportages. Albert Londres n’est pas son cousin !

Mais très vite, la réalité s’impose à ses rêves de novice. Avant même de remettre sa première copie, il reçoit de la Presse sa première leçon : « Tu passeras ta vie à faire tes débuts… ».