Thème : Mémoires

Une vie (peu) exemplaire

« Les sagas ne sont vécues que par des familles à histoires complexes et romanesques et on nous impose qu’elles nous soient racontées par des journalistes de talent ou des écrivains à succès.
Très modestement, en écrivant mon histoire, je suis sûr de toucher la sensibilité et l’affection de mes proches. J’ai vécu des moments à nuls autres pareils, pourquoi ne pas les raconter ? »

Au cours de son existence chaotique, Gérard Morlier a été amené à faire des choix plus ou moins faciles, plus ou moins acceptés. Syndiqué depuis toujours à la CGT, membre du Parti communiste pendant de très nombreuses années, il va, au fil des rencontres et des évènements, raffermir ses engagements.
Dans cet ouvrage, il donne sa version des faits et plus encore son ressenti sur tout ce qui a pu lui arriver, ce qui rend son récit d’autant plus humain et touchant.

Il y a belle lurette

« Je dois mon existence à une religieuse catholique. Mon père avait dix ans et l’appendicite. Il était soigné à l’hôpital, à Vienne, dans son Autriche natale, par des bonnes sœurs. Un jour, l’une d’entre elles s’aperçoit, en le lavant, que mon père est circoncis. Elle le traite de « sale petit Juif » et lui tord les testicules. Mon père a compris l’antisémitisme très tôt et dans sa chair. C’est ce qui l’a sauvé et cela m’a permis de venir au monde deux décennies plus tard. »

Les parents d’Elizabeth Blot ont quitté l’Autriche en 1936, conscients de la tempête qui allait bientôt s’abattre sur l’Europe continentale.
L’autrice a ainsi vu le jour à Londres en 1937 et c’est le récit de son enfance et de sa jeunesse en Angleterre qui est ici narré, avec un panache et une drôlerie qui en font tout le sel.
Porté par un sens de l’autodérision réjouissant, « Il y a belle lurette » nous emporte dans une époque révolue, mais rendue proche par la magie d’une écriture tout en grâce.

Promenades en mer

« Heureusement, les histoires de marins se racontent aussi à terre. Même si elles assassinent parfois les enseignements de la mer. Souvent lors de ces soirées d’évadés de l’existence, d’échappés de la vie qui malgré une vie quelconque ont beaucoup de choses à raconter et qui réussissent parce qu’ils s’embrument, parce qu’ils s’emboissonnent, à faire des soirées mieux réussies que leur existence. »

Comme le ressac, incontrôlable et inexorable, la mémoire a ceci de beau qu’elle est à la fois constamment présente et insaisissable. Dans Promenades en mer, l’auteur livre pêle-mêle des vagues de souvenirs et d’expériences vécues, telle qu’elles lui viennent. De voyages en mer en voyages intérieurs et en introspections, une réflexion intime sur une existence mouvementée.

Amère Amérique, « Si c’est un rêve, je le saurai »

« A Lincoln, ma petite notoriété d’activiste s’était localement construite via la publication de quelques articles au vitriol dans les colonnes du Daily Nebraskan, journal publié cinq jours par semaine par l’université. La rédaction me présentait désormais comme un contributeur régulier.
Il y avait également mes prises de parole, elles aussi régulières, à Hyde Park. Se référant au célèbre Speakers Corner du grand parc londonien, c’est ainsi que ses animateurs, pour la plupart étudiants dans le département de journalisme de l’université du Nebraska, avaient baptisé l’événement hebdomadaire qu’ils organisaient le jeudi, en fin d’après-midi, dans la grande salle polyvalente, la bal room, de la Student Union. »

Entre l’Amérique fantasmée et la réalité, 3 années fondatrices qui ont sonné le glas de la relation très particulière que l’auteur entretenait depuis l’enfance avec les U.S.A.
L’obtention d’une bourse d’étude, en 1965, permet à Bernard « J. » Durand de rejoindre l’université de Virginie. Sa rencontre avec le sénateur Robert Kennedy, auprès duquel il s’engage, fait vibrer ce rêve américain… Jusqu’à l’assassinat du candidat à la présidence le 5 juin 1968. Le château de cartes s’effondre.

Amis disparus, amis apparus…

« Faut-il raconter les choses comme elles viennent ou dans l’ordre où elles se sont produites  ? Les souvenirs naissent à mesure que je les écris. D’une phrase, qui auparavant n’existait pas, surgit une autre phrase, comme si elle n’attendait que ce moment-là. »

Grâce au pouvoir de l’imagination et de la mémoire, Remi Clignet réussit, l’espace d’un livre, à retrouver ses amis disparus, qui vivent dans son cœur à jamais et l’accompagnent au fil du temps. Ensemble et silencieusement, ils remontent le fleuve de la vie de ce grand voyageur. Les amis ravivent les souvenirs endormis sur ses berges et rattrapent le temps perdu en trouvant enfin, sans le chercher, le chemin du bonheur.
« Chaque personne qui passe dans notre vie est unique. Elle laisse toujours un peu d’elle-même, et s’en va avec un peu de nous. » Jorge Luis Borges.
Après « Naïf ou le petit chose » (Éditions du Panthéon, 2019), Remi Clignet emprunte à nouveau les sentiers délicieux de la mémoire, avec émotion et humour.

Ma piste – Mémoires d’un historien, universitaire, homme engagé et libre

« Il n’y a ni citoyens ni militants de seconde zone. J’ai adhéré pour des raisons précises et je m’y tenais, j’en ai parlé. Je n’ai jamais manqué, à la place où je me suis trouvé, soit de donner mon approbation, soit de faire part de mes interrogations, de mes doutes quand on me le demanda ou si je le jugeais nécessaire. Les communistes qui avaient critiqué les théories fumeuses de Staline avaient eu raison »

Remonter à la source, mettre un nom sur des visages que le temps a rendu incertains, dire avec honnêteté et rigueur une vie riche, tourmentée, passionnante. Claude Nières suit le fil de sa mémoire et nous replonge dans les souvenirs vivaces de sa jeunesse, de ses années d’enseignement et d’engagement politique. Analyste lucide, il examine avec le soin d’un entomologiste les étapes de son existence, soupèse les raisons de ses choix passés et présents. L’exercice est périlleux, toujours mené avec clarté. En tournant les yeux vers son parcours, il englobe les compagnes et compagnons de route et dit la vitale nécessité de leur présence à ses côtés.

Bâtir sa vie, une vie à bâtir

« Je fus désigné pour être membre du jury du futur musée d’Art moderne de la gare d’Orsay.
Je suis persuadé de le devoir au président de la République, bien qu’il ne m’en ait jamais parlé, pas plus que nous avons échangé quoi que ce soit concernant ce musée par la suite, mais comme tout le monde savait que, par « Polytechnique » et plusieurs missions, j’avais une réelle relation avec l’Élysée, il n’en fallait pas plus pour qu’on se figure que j’en recevais instructions, conseils et directives. C’était faux, mais cela me donna un poids considérable et me permit de contrer efficacement le jury. »

Une vie professionnelle vouée à l’architecture, à l’édification de bâtiments et de villes, est-elle nécessairement une vie ordonnée ? Tout prouve le contraire dans ce récit tendre et grave, prolixe et pudique. Denis Sloan y évoque son enfance nomade, ses premières armes de jeune homme, ses succès et ses déboires aussi personnels que professionnels.
Lui qui hésite encore à dire son propre talent rend hommage à ses mentors, grands noms qui firent l’architecture du XXe siècle : Louis Arretche, Paul Herbé, Jean Prouvé et tant d’autres.

Naïf ou le petit chose

« Voyager, c’est un rêve entre hier et aujourd’hui. La blessure nostalgique de la mélancolie a coulé sur le temps. »

S’identifiant au Petit Chose d’Alphonse Daudet, Remi Clignet nous invite à dérouler en sa compagnie le fil de son existence. Il a traversé le monde, a vécu à Abidjan et à Chicago, a enseigné la sociologie aux États-Unis… Une vie riche et mouvementée dont il fait le bilan, racontant des anecdotes d’enfance, d’adolescence… et de maturité, aussi. Naïf ? Il l’était autrefois. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Un enfant de Thagaste

« Pour moi, la mémoire est un trésor bien plus essentiel que n’importe quelle richesse. Quand les souvenirs s’envolent, il est impossible de les récupérer. Les miens sont ceux d’un enfant de Thagaste, ville où vécut saint Augustin, qui deviendra plus tard Souk-Ahras. L’olivier, sous lequel il se reposait, se situe sur la colline derrière ma maison natale. »

L’auteur nous entraîne dans le temps à la découverte des chemins de son enfance, en Algérie. Dans ce récit émouvant et nostalgique construit à rebours, nous suivons ses pas dans le pays de ses rêves, une terre devenue imaginaire où vivent à jamais les personnes et les paysages qu’il a aimés. Un témoignage riche et sincère qui ravivera les souvenirs des uns et embrasera de flammes douces l’imagination des autres.

Dernier coup de poing

« Bien que les générations ne soient pas compatibles avec les comparaisons et les rapprochements, il semble néanmoins que certains petits boxeurs d’hier pourraient s’imposer face aux champions actuels. Nous sommes en train de vivre un crépuscule sans étoile, une agonie lente sur un chemin en pente douce. Survie artificielle que les mainteneurs en place cherchent à garder en l’état. Il est quasiment certain que cette discipline ne redeviendra plus comme je l’ai connue. Sa ferveur déclinante ne nous porte plus à rêver comme par le passé. »

Gérard Gartner, l’homme qui révèle ici les dessous du « boxing business », les manigances des managers et des organisateurs, fut boxeur amateur avant de devenir professionnel. Il est resté ami avec quelques grands champions dont il nous décrit tristement le déclin, après l’arrêt de leur carrière. Ce livre est un cri du cœur, un uppercut contre les profiteurs mais aussi un adieu à ce qu’a été la boxe anglaise…

Les barbelés ne sont pas toujours le long des murs

« Notre vie étant le résultat du pays, de la ville, du quartier, de la rue, de la maison où l’on est né, et de bien d’autres facteurs, à la fois objectifs et subjectifs, les différentes étapes de ma vie ont été les conséquences de l’histoire houleuse de mes deux pays d’origine : le pays colonisé de mes ancêtres, l’Algérie ou El Djezaïr, et le pays colonisateur, la France ou França.»

Des riches mélanges issus des différentes invasions du bassin méditerranéen est née une petite « indigène » (c’est ainsi que les colons désignaient de façon péjorative les autochtones), dans une Algérie où les Français musulmans sont fiers de leur culture sacralisée par la coutume et le patriarcat. Prise entre deux feux, entre les contes des mille et une nuits et le Paris merveilleux dit par son père, elle rêve d’une vie parisienne sur un tapis volant. Mais, pour exister, ces désirs de mixité font l’objet d’une lutte épuisante au quotidien.

Le Feu sur la Neige

« En 1966, quand il écrit son histoire, j’étais adolescent et je n’y avais pas attaché d’importance, même s’il m’en avait alors raconté quelques anecdotes comme la rencontre avec un élan, le vol de la vache ou l’impressionnant hurlement des loups la nuit.
J’ai découvert le manuscrit en mai 2003, bien rangé au fond d’une malle du grenier. Son histoire m’a évidemment passionné. Bien qu’elle ait maintenant 75 ans, il m’a paru important de la sortir de l’ombre pour la faire connaître non seulement à ses dix petits enfants mais aussi, plus largement, aux nouvelles générations. »

Fait prisonnier à Toul en 1940, Charles Belbéoc’h est envoyé dans un camp en Prusse-Orientale, l’est de la Pologne actuelle. Il ne songe qu’à s’évader. Il sera repris à chaque fois. Il finira par atteindre les lignes russes en mars 1945 et aura, dans l’intervalle, vécu mille vies et cherché à aider toutes les personnes se trouvant sur sa route et ce, quelles que soient leurs origines. Un récit d’aventure humaine faite de faim et de solidarité, de mitraille et d’espoir, de mort et de fraternité et, dans cet hiver glacial, un rare et poignant témoignage du dramatique exode de la population prussienne terrorisée par l’armée soviétique.

Le dernier soupir

« Quand ma belle-famille est venue demander ma main pour leur cher fils, mes parents ont immédiatement donné leur accord. Ils ont répondu affirmativement. Cette alliance, je ne peux dire qu’elle me sera bénéfique mais, au moins, j’étais des plus heureuses.
Je n’avais aucune notion du mariage, ce que je savais, c’est que c’est une union basée sur l’amour, la confiance et la fidélité et que c’est un lien sacré par une déclaration solennelle. »

Malika Aoualit retrace son parcours afin d’en disséquer ses expériences de vie. De ses années adolescentes à l’ambiance du foyer familial, elle revient sur des souvenirs enfouis, ceux qui resteront à jamais gravés, reflets de ce qu’il y a de plus intime en elle.

Avec douceur, elle nous invite ainsi dans ses pensées, révélant des émotions et une sensibilité qui nous bouleversent. Son mariage, ses souffrances et son acharnement face à cette existence parfois si complexe. Qui sait de quoi sera fait demain ?

C’est le pays qui m’a donné le jour

« Ces deux hommes étaient deux de mes aïeux. Ils ont manifesté tous deux, chacun de son côté, une audace qui s’est révélée payante et qui a transformé leur vie et celle de leurs descendants. C’est pourquoi l’on peut dater du siècle des Lumières le commencement de la saga familiale que je relate ici. »

C’est à la fin du règne de Louis XV que la saga familiale de Pierre Mouchel commence. Lorsque les deux ascendants de ses parents se libèrent de l’emprise de leurs clans respectifs pour vivre de façon autonome, ils transforment leur vie et celle de leurs descendants.

Les heures tardives

« Juste être vivante. Me donner voilure car la mer est grande. »

Maïeuticienne de son passé, les souvenirs de Danièle Mermoud ressurgissent avec une gravité déchirante mais toujours juste. Son style à vif taille dans la chair pour mieux atteindre les sentiments, ceux qui serrent le cœur, ceux qui étreignent nos poumons et font battre le sang aux creux des tempes. Les sentez-vous ces pulsations ?

Mémoires d’un homme du passé

« […] Nous étions heureux et fiers d’avoir passé ces péripéties qui forgent le caractère et confèrent au corps une capacité, un pouvoir de résistance et d’endurance impressionnants. C’était comme une sorte de baptême, non de feu, mais d’endurcissement, de patience et de philosophie. »

Aujourd’hui retraité, Ahmed Marcil se remémore sa vie. Toujours intacts, ses souvenirs affluent : son enfance à Rabat, entre les déménagements et la Médina, le rationnement et la crainte de la guerre. Avec une sincérité touchante, il évoque son éveil croissant à l’école coranique puis sa révélation pour l’armée. Transporté, il nous fait intimement ressentir sa fierté d’étudier à St-Cyr, et sa terrible mortification à Caen, ville stigmate de la barbarie humaine. Avec une précision vibrante teintée d’émotion, il restitue tous les aspects et détails de son passé militaire.